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Le portrait de Dorian Gray - Oscar Wilde
Esprit du grenier
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26 Mar 2025, 21:22Le portrait de Dorian Gray - Oscar Wilde


Pour la Pause Pop-corn de ce mois-ci j’aimerais vous parler du Portrait de Dorian Gray, écrit aux alentours de 1890 par Oscar Wilde, auteur dandy irlandais. Il s’agit du seul roman de Wilde, plutôt connu pour ses pièces de théâtre, contes et nouvelles (Le Fantôme de Canterville, par exemple). 

Ha, Le portrait de Dorian Gray… Tout le monde ou presque a déjà entendu parler de ce tableau qui vieillit à la place du modèle. Hélas ce roman est souvent réduit à ce pitch gothico-fantastique, qui est certes juste, mais insuffisant pour réussir seul à développer une histoire sur 300 pages. Je me suis d’ailleurs demandée si Wilde n’avait pas été inspiré par la nouvelle « Le portrait ovale » (1842) d’Edgar Allan Poe…

L’histoire débute dans l’atelier du peintre Basil Hallward. En compagnie de son ami, Lord Henry « Harry » Wotton, il contemple sa dernière œuvre, le portrait d’un très beau jeune homme. Basil révèle à Lord Henry qu’il n’exposera nulle part ce tableau, y ayant mis « trop de lui-même ». Lord Henry se gausse, bien entendu. En réalité l’artiste a fait ce choix curieux (car peu judicieux en terme de carrière) dans le but de préserver plusieurs choses : sa pudeur et ses sentiments révélés par cette peinture et, surtout, l’adolescent si beau et si pur ayant servi de modèle. Basil voit en ce jeune aristocrate une muse et souhaite donc le protéger autant que possible de l’influence de la société victorienne anglaise, en particulier de l’influence toxique de Lord Henry.
Hélas, patatras, le-dit jeune homme, Dorian Gray, arrive sur ces entrefaites pour sa dernière séance de pose. Lord Henry en profite pour lui exposer ses théories esthétiques et hédonistes : la beauté, la jeunesse, le plaisir, y’a que ça de vrai (je schématise, en réalité la plume de Wilde est d’une élégance et d’une acuité rares). En quelques mots, Lord Henry a chamboulé le jeune blondinet. Basil, qui a enfin terminé le tableau, le révèle à son modèle. Voici l’extrait suivant la découverte du portrait par Dorian :

« Le portrait de Dorian Gray - Chapitre II » (extrait)
L’améthyste de ses yeux se fonça ; un brouillard de larmes les obscurcit… Il sentit qu’une main de glace se posait sur son cœur…
— Aimez-vous cela, cria enfin Hallward, quelque peu étonné du silence de l’adolescent, qu’il ne comprenait pas…
— Naturellement, il l’aime, dit lord Henry. Pourquoi ne l’aimerait-il pas. C’est une des plus nobles choses de l’art contemporain. Je vous donnerai ce que vous voudrez pour cela. Il faut que je l’aie !…
— Ce n’est pas ma propriété, Harry.
— À qui est-ce donc alors ?
— À Dorian, pardieu ! répondit le peintre.
— Il est bien heureux…
— Quelle chose profondément triste, murmurait Dorian, les yeux encore fixés sur son portrait. Oh ! oui, profondément triste !… Je deviendrai vieux, horrible, affreux !… Mais cette peinture restera toujours jeune. Elle ne sera jamais plus vieille que ce jour même de juin… Ah ! si cela pouvait changer ; si c’était moi qui toujours devais rester jeune, et si cette peinture pouvait vieillir !… Pour cela, pour cela je donnerais tout !… Il n’est rien dans le monde que je ne donnerais… Mon âme, même !…
— Vous trouveriez difficilement un pareil arrangement, cria lord Henry, en éclatant de rire…
— Eh ! eh ! je m’y opposerais d’ailleurs, dit le peintre.
Dorian Gray se tourna vers lui.
— Je le crois, Basil… Vous aimez votre art mieux que vos amis. Je ne vous suis ni plus ni moins qu’une de vos figures de bronze vert. À peine autant, plutôt…
Le peintre le regarda avec étonnement. Il était si peu habitué à entendre Dorian s’exprimer ainsi. Qu’était il donc arrivé ? C’est vrai qu’il semblait désolé ; sa face était toute rouge et ses joues allumées.
— Oui, continua-t-il. Je vous suis moins que votre Hermès d’ivoire ou que votre Faune d’argent. Vous les aimerez toujours, eux. Combien de temps m’aimerez-vous ? Jusqu’à ma première ride, sans doute… Je sais maintenant que quand on perd ses charmes, quels qu’ils puissent être, on perd tout. Votre œuvre m’a appris cela ! Oui, lord Henry Wotton a raison tout à fait. La jeunesse est la seule chose qui vaille. Quand je m’apercevrai que je vieillis, je me tuerai !
Hallward pâlit et prit sa main.
— Dorian ! Dorian, cria-t-il, ne parlez pas ainsi ! Je n’eus jamais un ami tel que vous et jamais je n’en aurai un autre ! Vous ne pouvez être jaloux des choses matérielles, n’est-ce pas ? N’êtes-vous pas plus beau qu’aucune d’elles ?
— Je suis jaloux de toute chose dont la beauté ne meurt pas. Je suis jaloux de mon portrait !… Pourquoi gardera-t-il ce que moi je perdrai. Chaque moment qui passe me prend quelque chose, et embellit ceci. Oh ! si cela pouvait changer ! Si ce portrait pouvait vieillir ! Si je pouvais rester tel que je suis !… Pourquoi avez-vous peint cela ? Quelle ironie, un jour ! Quelle terrible ironie !
Des larmes brûlantes emplissaient ses yeux… Il se tordait les mains. Soudain il se précipita sur le divan et ensevelit sa face dans les coussins, à genoux comme s’il priait…
— Voilà votre œuvre, Harry, dit le peintre amèrement.
Lord Henry leva les épaules.
— Voilà le vrai Dorian Gray vous voulez dire !…


La suite du roman se concentre sur la vie de Dorian. Un élément déterminant est sa relation amoureuse avec une jeune comédienne de théâtre, Sibyl Vane. La jeune femme incarne merveilleusement les amoureuses tragiques, n’existant que pour et par ces passions imaginaires. Or, lorsque Dorian et elle s’éprennent l’un de l’autre, Sybil, n’ayant plus besoin de scène pour vivre l’amour, perd son talent et sa valeur aux yeux du jeune aristocrate, qui la rejette. C’est à la suite de cette rupture que le tableau de Dorian commence à se modifier, un rictus cruel apparaissant au coin de la bouche du portrait.
Le temps, ses choix et ses actes ne se répercutent plus sur lui, mais sur cet objet d’art inanimé. En ayant conscience de cela, comment Dorian mènera-t-il sa vie désormais ?

J’ai découvert ce roman à l’adolescence, et il fait toujours partie de mes livres favoris. A l’époque j’avais surtout été fascinée par le style d’écriture, les dialogues vivants, l’ambiance gothique, la présence des arts (peinture, théâtre, lecture), ces personnages aux vies oisives et pleines de rien, la tension qui se crée autour de ce tableau maudit… Aujourd’hui je porte bien sûr un regard différent sur cette histoire, et la thématique qui pour moi se dégage en particulier est l’influence. L’influence que les arts peuvent avoir sur nous, que l’on soit créateur ou spectateur. L’influence que les autres ont sur nous, que nous avons sur les autres… Comment aurais-je réagi, moi, si j’avais été à la place de Dorian ? Mes choix auraient-ils été meilleurs que les siens ?

Pour conclure, voici un petit extrait de la page Wikipédia d’Oscar Wilde, concernant les protagonistes du roman :
« Dans une lettre à Ralph Payne, Wilde confie qu'il a mis beaucoup de lui-même dans cet ouvrage, en particulier dans le personnage de Basil Hallward qui le représente tel qu'il se voit, alors que Lord Henry reflète l'image que le public a de lui. Il suggère également que Dorian est une vision fantasmée de ce qu'il aurait voulu être »

P.S. : Au fait, bonne nouvelle, le roman et sa traduction française sont tombés dans le domaine public et sont donc consultables et téléchargeables juste ici : https://fr.wikisource.org/wiki/Le_Portrait_de_Dorian_Gray
Des mots qui pensent et pansent les maux


Fée du logis
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Inscription: 02 Fév 2021, 16:46
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Localisation: Pas-de-Calais
30 Mar 2025, 15:53Re: Le portrait de Dorian Gray - Oscar Wilde
Un de mes romans préférés ! C'était ma lecture du mois de janvier, ça doit faire 3 fois que je le lis dans ma vie lol
“You came to me to learn the Pleasure of Life and the Pleasure of Art. Perhaps I am chosen to teach you something much more wonderful, the meaning of Sorrow and its beauty.” ― Oscar Wilde.


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