Le lent éveil du printemps a pris fin ; le soleil qui a longtemps joué à cache-cache avec les nuages se montre enfin dans toute sa gloire. Si les premières floraisons sont fanées, les fleurs de l’été commencent à éclore dans toute leur splendeur colorée. Les premiers fruits apparaissent sur les branches. C’est le moment d’enfiler ses bottes, son tablier et ses gants, de saisir binette et sécateur, et de partir travailler au jardin !

Car oui, nous allons parler de jardinage. Pas de celui qui demande à avoir les deux pieds dans la terre, mais le clavier sous les doigts ou le stylo dans la main. Peut-être avez-vous déjà croisé les termes de jardinier et d’architecte dans les articles sur l’écriture. Les architectes sont ceux qui fournissent en amont une grosse tâche d’organisation : plans, fiches de personnages, description de l’univers… Les jardiniers sont ceux qui se laissent guider par l’inspiration et qui improvisent de grandes parts de l’intrigue au fur et à mesure de l’écriture. Aucune méthode n’est meilleure que l’autre, chacun va naturellement vers ce qui lui réussit le mieux.

Cela dit, quiconque s’est plongé dans le jardinage (le vrai) de manière sérieuse sait que cette image ne reflète pas la réalité : rien ne demande plus de réflexion et de planification ! Alors, pourquoi parler de « jardinier » pour désigner les personnes qui se lancent sans préparation visible ?

Sans doute parce que leur procédé consiste à planter une graine et voir ce qui va germer. Ensuite, parce qu’ils vont soigner, nourrir cette jeune pousse en observant avec attention la façon dont elle se développe, les fruits et les fleurs qu’elle donne.

Est-ce que les jardiniers sont avant tout des improvisateurs ? Plus ou moins ! Tout d’abord, il est difficile de parler d’improvisation pure dans le cadre de l’écriture de fiction. Elle comporte généralement une idée directrice, elle se poursuit sur la base de ce qui est déjà rédigé, pour garder une cohérence et une logique nécessaire. Inversement, il existera toujours une part d’improvisation dans l’écriture, même si on se soumet au plan le plus rigoureux.

Souvent, les adeptes du jardinage scriptural ont d’emblée en tête des scènes clefs, des moments décisifs, voire la fin du récit. C’est le chemin par lequel l’histoire va passer pour les lier qui risque de changer, parfois subtilement, parfois totalement. Le schéma sans cesse évolutif d’un tel récit peut rappeler la théorie du chaos et son « effet papillon » : chaque élément, même mineur, peut se développer en quelque chose de plus vaste, comme un petit bourgeon destiné à devenir une branche magnifique. Le récit prend alors l’allure de ces superbes images fractales que conçoivent certains programmes, avec leurs ramifications infinies !

Malheureusement, il existe des dangers inhérents à se laisser porter par ce type d’écriture : perdre de vue sa ligne directrice, complexifier l’intrigue au point de ne plus parvenir à en suivre tous les éléments, voir son inspiration s'amenuiser en cours de route… C’est pour cela qu’il ne faut pas hésiter à prendre un peu de recul, poser des tuteurs, éliminer les pousses qui étouffent le reste, tailler les branches, voire arracher et replanter ! Cela peut représenter un travail considérable, mais rien n’est plus magnifique qu’un jardin foisonnant !

Et puis, rien n’empêche de bâtir une belle demeure sur la base d’un plan bien défini, tout en faisant pousser tout autour un merveilleux jardin qui lui donnera charme, parfum et couleurs !

Et vous, plutôt architecte, plutôt jardinier, ou un peu des deux ?