Dans le salon, la table était dressée, recouverte de petits fours et makis végés. Des boîtes de chocolat proposaient leurs gourmandises sur des guéridons, dans les coins. La crèche de santons sur le buffet attendait encore son Jésus et les rois mages étaient postés sur la cheminée. Un chapon fourré de châtaignes rôtissait tranquillement dans le four et les bûches patientaient au congélateur.
Les adultes s'installèrent un à un sur les chaises et choisirent leur apéritif. Les enfants se faufilaient entre eux en riant, la bouche pleine. Le sapin clignotait, galvanisé par l'ambiance.
Une femme passa dans la rue. Elle était seule et l'arbre comprit qu'elle n'avait nulle part où aller. Il chuchota à travers la fenêtre "Venez... ici vous serez au chaud !". Étonnée, elle se laissa enhardir par ses paroles.
Elle ouvrit le portillon et sonna à la porte. Tout le monde regarda vers l'entrée. Elle rougit.
— Euh, bonsoir... j'aurais aimé...
— Allez, allez, entrez, on a assez de sièges ! Prenez place ! Que voulez-vous boire ?

Quelque part existe une maison à l’air triste. Nulle magie, nulle alchimie dans l’équation, juste un vieux saule pleureur.
Un vénérable au tronc las, et aux branches voûtées bien bas. Et même si dans cette maison habite un jeune garçon, cela ne rend pas l'ensemble plus folichon. Car ce petit gars, qui par une ironie fort à propos s'appelle Saul, préfère de loin le jardin des voisins.
Comment l'en blâmer ? Planté à quelques mètres de la maison voisine, trône un majestueux sapin. Par sa seule présence, il confère à la bâtisse vacante des airs de fête, de Noël et de pain d'épices. Oui, même au mois de juillet, et ce malgré tous les volets fermés.
Saul aime ce sapin. Son odeur. Ses branches solides sur lesquelles il est aisé de grimper. C'est son rituel : il s'installe là, tout au sommet, puis admire le soleil se coucher - et parfois se lever. Le garçonnet se sent si bien, perdu au milieu de cette frondaison claire-obscure, les cheveux parsemés d’aiguilles et les mains poisseuses de résine.
C’est que Saul, chez ses parents, on lui reprocherait presque de ne pas être transparent, de poser trop de questions, le soir au dîner pendant les informations. Alors, pour se consoler, rien de mieux que l’étreinte puissante et aromatique de son conifère attitré. L’arbre est un merveilleux confident, toujours il écoute et répond. Il hoche les branches en assentiment et par ses bruissements, ses murmures doux et réconfortants, apaise le cœur de l’enfant.
Un jour, une famille emménage dans la maison voisine. Saul les repère, du haut de son sapin qui, par conséquent, n’est plus vraiment le sien.

Le ciel était encore rose du côté est quand je sortis de la maison.
Les silhouettes effeuillées des arbres se découpaient au loin, un tantinet menaçantes. Je bravai leur avertissement et m'avançai dans la rue. Mon souffle se transformait en nuage de condensation à chacune de mes respirations. Le froid me piquetait les joues. Par bonheur, mon manteau remontait jusqu'à mes oreilles et me protégeait le menton. Mon bonnet gardait le reste de ma tête au chaud. J'avais déniché des gants fourrés qui remplissaient bien leur office. Pour le bas du corps, toujours le plus dur à habiller, je portais un pantalon de velours côtelé et, dessous, des jambières en laines plus des chaussettes. Ainsi parée, je m'en allais rejoindre les amis au lac gelé : certains avaient déniché des patins, la journée promettait d'être amusante !