
Neil Jomunsi, bloggeur, écrivain publié chez Walrus et auteur auto-édité adepte des expérimentations nous livre sa vision du métier d’écrivain, de l’édition et nous parle de ses projets.
Salut Neil, je suis tout d’abord curieuse de savoir comment tu te définis : Ecrivain, auteur indé, conteur, créateur 2.0 ?
Salut !
Je ne me définis pas vraiment, ça dépend des jours. L’année dernière, pendant le Projet Bradbury, j’avais besoin de me définir avant toute chose en tant qu’écrivain. Aujourd’hui, c’est un peu plus flou. Je navigue dans le livre, je touche un peu à tout, j’expérimente, de la librairie à l’écriture en passant par l’édition, du coup, les qualificatifs passent. Se qualifier, mettre un nom sur ce qu’on fait, c’est se donner une certaine énergie je crois, une motivation. Les écrivains ont besoin de se qualifier en tant qu’écrivains, c’est important, sémantiquement parlant ; il ne faut pas laisser ce mot à la pédanterie des salons littéraires. Mais si j’écris en permanence, comme une tâche de fond, je fais aussi d’autres choses. Du coup, pas évident de s’arrêter sur un seul qualificatif. En anglais, il y a l’expression « book nerd » qui me convient bien.
Oui, book nerd c'est vraiment original et moins limitant ! Je me demandais aussi d'où vient ton nom de plume? (si c'est pas indiscret ^^)
C'est l'anagramme de Julien Simon, mon vrai nom. Un simple mélange de lettres. Au moment de choisir un nom d'écrivain, j'ai réalisé combien il existait déjà de Julien Simon sur Google. Il y en a des tonnes. Au moins, avec Neil Jomunsi, je suis sûr qu'il n'y en a qu'un.
J'aurais pu deviner mais je ne suis pas douée avec les anagrammes ! Autre sujet, la créativité : à quoi ressemble ta muse? Quelle est ta source d'inspiration?
Pour moi, l'inspiration est ce qu'il y a de plus facile : il y a tellement de choses à raconter, tellement de points de vue à explorer. Je ne suis jamais à court d'idées, seulement de temps et d'énergie. Je me considère comme chanceux à ce niveau. Ma "muse", si on peut appeler ça comme ça, c'est vraiment le monde entier. Il suffit d'observer 5mn autour de soi pour avoir le début d'une histoire. C'est peut-être ça, le plus dur : observer.
Tu as une méthode que tu suis pour créer tes histoires, un process?
En règle générale, mon process est le suivant : avant de me jeter sur le papier, je réfléchis pendant assez longtemps sur le thème qui m’intéresse ou l’idée de base que j’ai eue et je note dans un carnet tout ce qui me vient en tête : personnages, situations, thématiques, etc. Quand je sens que tout est suffisamment bien formé dans mon esprit, que je ne reviendrai pas en arrière sur certains points et que j’ai de solides bases, je passe à la rédaction. J’essaie que cette phase dure le moins longtemps possible, parce qu’au-delà d’un certain laps de temps, c’est très difficile de garder de l’intérêt pour sa propre histoire. Dans l’idéal, un roman, il faut que j’en aie écrit le premier jet en moins de quelques semaines. Si c’est une nouvelle, l’idéal est de l’écrire en une journée, deux, maximum. Le pire ennemi, c’est la lassitude. C’est pourquoi je reporte au maximum le moment où je commence, mais quand je commence, il ne faut pas m’arrêter. Je ne suis pas fan des plans. J’aime avoir quelques éléments pivots, si possible la fin ou une idée de la fin, mais pas plus, encore une fois pour combattre l’ennui inhérent à la rédaction : il faut se laisser la latitude nécessaire pour se laisser surprendre par les personnages.
Comment abordes-tu la publication de tes histoires?
Ça dépend de qui édite. J’ai vraiment une approche sensiblement différente quand je suis édité par un éditeur et quand je publie moi-même mes textes. J’ai tendance à faire beaucoup confiance quand je suis édité (je me repose beaucoup sur la structure tierce) et du coup, je ne m’inquiète pas vraiment. En revanche, quand je me charge de la publication moi-même, c’est une autre histoire et je suis beaucoup moins tranquille : beaucoup de relectures, d’allers et retours avec des lecteurs, je suis très perméable aux conseils, presque poreux, si bien que je ne suis sûr de plus grand-chose au final, quand ça sort. Mais une fois que c’est sorti, c’est sorti. Je passe au dossier suivant.
Là encore, as-tu un process, des conseils à donner dans ce domaine?
Le recours à un œil « neuf » est évidemment à conseiller. Si on peut avoir quelqu’un qui s’occupe pour soi de toutes les démarches, c’est un plus, mais je suis assez contre l’image de l’auteur déconnecté du monde et de ses réalités qui ne vivrait que par et pour sa plume. Il faut aussi savoir mettre les mains dans le cambouis quand c’est nécessaire, notamment parce que c’est une liberté, une corde de plus à son arc d’écrivain, mais aussi d’être humain. Le numérique permet une relation très directe avec son lectorat, et il ne faut pas que cela devienne une voie de pis-aller. Certains projets nécessitent de s’auto-éditer (le Projet Bradbury était de ceux-là, évidemment, parce qu’il fallait beaucoup de réactivité). Mais d’autres peuvent véritablement gagner à passer par les mains d’un éditeur. Il faut alors s’armer de patience. Le mieux, quand on a terminé un texte et qu’on l’envoie aux éditeurs, c’est de tout de suite en commencer un autre, puis un autre, puis un autre. Ne jamais s’arrêter. Ne pas faire de la publication la finalité de l’acte d’écrire.